PENSIONS MILITAIRES D’INVALIDITE : vers la fin des discriminations…
Selon que vous aurez servi dans l’armée de Terre ou dans la Marine, Le service de pension des armées vous attribuera des pensions d’invalidités différentes… Ce qui pourrait vaguement rappeler une fable de Jean de La Fontaine n’est en réalité qu’un résumé du décret du 5 septembre 1956 qui a fixé les indices des pensions allouées aux invalides ayant servis dans l’armée française. En effet, sans justification aucune dans le corps du texte, les tableaux annexés à ce décret prévoient pourtant que les indices des pensions des militaires ayant servis dans l’armée de Terre ou dans l’armée de l’Air seraient inférieurs à leurs camarades ayant oeuvrés dans la marine. Une règle appliquée depuis mais remise en cause depuis quelques années en vertu du principe d’égalité.
La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’homme au secours des discriminations
Devant le refus du Ministère de la défense de faire droit à leurs recours gracieux sollicitant l’alignement de leurs pensions sur celles servies aux anciens mariniers, les pensionnés de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air ont donc été contraints de saisir les instances judiciaires compétentes. La plus haute juridiction administrative définissant comme discriminatoire au sens de l’article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme « toute distinction entre des personnes placées dans une situation analogue », c’est logiquement sur le fondement de ce texte que les premiers requérants ont commencé à faire valoir leurs droits devant les Tribunaux des pensions militaires.
D’évidence, les textes européens ont convaincu les magistrats puisque depuis un jugement du Tribunal des pensions militaires de Paris en date du 19 janvier 2005, nombre de juridictions, tant en première instance qu’en appel, considèrent désormais comme discriminatoires ces dispositions.
C’est ainsi qu’aux quatre coins de l’hexagone, de Bastia à Limoges et de Perpignan à Dijon, de nombreuses juridictions saisies ont depuis tranché en ce sens, permettant ainsi aux requérants de voir leurs pensions d’invalidité réévaluées à la hausse.
Le Tribunal des pensions militaires Nîmois dans le sens de la mouvance jurisprudentielle
C’est dans ce sens que le 9 juin 2009 le tribunal des pensions militaires de Nîmes se ralliait à ce mouvement jurisprudentiel, considérant à son tour : « qu’une distinction de traitement entre les militaires selon leur appartenance à tel ou tel corps d’armée est constitutive d’une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme ». Il est à noter que la juridiction Nîmoise a déjà eu l’occasion de confirmer sa position à plusieurs reprises, les demandes de réévaluation s’étant depuis, on le comprend, multipliées. Compte tenu des dispositions de l’article L104-1 du Code des pensions militaires d’invalidité qui prévoit, de droit, la prise en charge par l’état des frais d’Avocats dans ces procédures, on peut d’ailleurs raisonnablement supposer que ce contentieux va encore être amené à se développer dans les mois à venir. Ceci d’autant plus que les mesures visant à supprimer cette inégalité, promises depuis quelques temps déjà par le secrétaire d’Etat à la Défense chargé des Anciens Combattants, tardent à venir…ne concerneront pas tous les pensionnés dans un premier temps …et ne seront vraisemblablement pas rétroactives… 49 ans s’étant écoulés avant que la justice ne commence à reconnaître cette discrimination, il est évident que les Tribunaux des pensions militaires français risquent d’avoir des audiences chargées si les parlementaires mettent autant de temps à légiférer pour rétablir cette inégalité…
Ludovic PARA, Avocat à la Cour d’Appel de Nîmes, cabinet REINHARD DELRAN